« C’était un ami exemplaire. Il suivait une voie, il respectait une règle, il servait une cause »
« Raymond Mondon était la vitalité même. Ce trait m’avait frappé dès notre première rencontre dans ce salon du ministère des Finances où j’écris aujourd’hui et où il était venu, en 1954, comme secrétaire d’Etat à l’intérieur. Je me souviens de l’impression que m’avaient faite son autorité physique, sa voix, vibrante et gaie, son exubérance confiante.
Nous l’avons vu au gouvernement brusquement foudroyé. Un jour, au printemps, dans la salle du Conseil des Ministres, j’ai vu gravée sur son visage cette marque angoissante et certaine par laquelle la mort annonce à l’avance qu’elle s’est emparée d’un être. Après le courage, le courage admirable et toujours surprenant des êtres condamnés, l’admirable simplicité de Mme Mondon, ne pouvaient plus rompre le sort, mais seulement témoigner de la fermeté et de la dignité de leurs âmes.
L’originalité de Raymond Mondon dans la vie politique tenait à la rectitude de ses principes, à la fidélité de ses amitiés, et à son attachement d’une passion presque exclusive pour sa ville de Metz. Il croyait à ce qu’il disait et à ce qu’il faisait. Dans les décisions difficiles qu’il a dû prendre comme parlementaires, puis, comme Président du Groupe des Républicains Indépendants, on sentait en lui la sécurité tranquille des consciences assurées. Il suivait une voie, il respectait une règle, il servait une cause.
C’était un ami exemplaire, de cette espèce qui ressemble à la camaraderie d’adolescence où chacun reste naturel, où l’on rit ensemble des bizarreries de l’existence. Il donnait de son amitié la preuve la plus rare, unique à ma connaissance dans les annales de la Ve République, lorsqu’il refusait une première fonction ministérielle par solidarité avec celui qu’il jugeait victime d’une injustice.
Sa passion pour sa ville se lisait dans ses yeux, dès que la discussion venait à concerner les intérêts de Metz. On avait le sentiment d’avoir tout à coup touché la fibre. C’était ce sur quoi il ne transigeait jamais. Développer sa ville, l’organiser, l’équiper, j’imagine qu’il y pensait le soir avant le sommeil comme étant la mission de sa vie.
Cette mission, il l’a inscrit dans les pierres du nouveau Metz, mais aussi dans le souvenir, tenace et fidèle comme sa propre nature, que berceront ses amis. »
Valéry GISCARD D’ESTAING,
« LA FRANCE MODERNE » Janvier 1971
(Revue Nationale des Républicains Indépendants)